Tract distribué pendant le carnaval du 1 avril

Aujourd’hui je fais ce qui me plaît. Devinez qui je suis
Derrière mon loup j’embrase qui je veux. Aujourd’hui tout est permis.

Historiquement, Carnaval fête la fin de l’hiver, la fin de la dormance, la fin d’une saison austère, l’arrivée d’un renouveau. A travers déguisements et masques, il est un temps de transgression de l’ordinaire, de renversement des places et des hiérarchies. Il est une brèche temporelle, durant laquelle se défoulent les êtres comme pour libérer un trop plein d’attente, de résignation. Les sauvages reprennent un temps les rues de leurs villes et villages et laissent cours à leurs inavouables penchants. Les maîtres sont parfois rossés, on interdit le travail pendant quelques jours, on ripaille et on s’enivre sans limites. On danse et chante devant le feu symbolique sensé immoler ce que l’on a le plus détesté de l’année… Aujourd’hui, dans la fête, nous voulons chahuter le pouvoir, où qu’il se trouve. Chambouler la mascarade présidentielle, la ridiculiser même si à vrai dire, elle n’a pas vraiment besoin de nous pour ça. Des pantins qui se disputent la tête d’affiche, s’alpaguent et s’invectivent sur des plateaux télés tel Jacquouille La Fripouille face à Godefroy de Montmiraïl ; des commentateurs de paris, en transe derrière leurs tableaux de sondage : la grande loterie peut commencer.

Regardons la vérité en farce…

Car au-delà des rôles et personnages incarnés par les candidats, tantôt jouant la figure du moralisateur, du pragmatique, de l’idéaliste ou du protecteur, il y a une machine politique : la démocratie. Elle façonne la « vie politique » depuis deux siècles et fut dés son installation un outil du pouvoir pour permettre le développement du capitalisme. La monarchie agace et provoque des révoltes ? Il suffit de permettre au brave « citoyen » de choisir de temps à autre quel bouffon remplacera l’autre, pour donner au « peuple » l’illusion qu’il se gouverne. Mais quel que soit l’Élu qui a remplacé l’autre, la machine a continué de tourner à plein régime. Avec le temps ses rouages se sont affinés : l’ANPE est devenu pôle emploi, la CAF lutte désormais activement contre la fraude au RSA, la sécu creuse son trou pour reculer l’âge de départ à la retraite et les impôts augmentent toujours sauf pour les riches. Toutes ces administrations de rêves sont parfaitement huilées. Pour le reste, la chanson est toujours la même, le travail tue et les flics… sont des bâtards. Tout reste en place, malgré les changements de casting, et travaille activement pour servir l’économie capitaliste. Incritiquable au nom du spectre fasciste et de la dictature, le visage autoritaire de la démocratie se découvre pourtant de façon de plus en plus claire au grès des « événements ».
On pense à la répression du mouvement « loi travail ! » et aux personnes qui sont toujours en taule sans autre raison que d’y avoir pris part. On pense aux keufs qui tuent dans les quartiers en toute impunité, dimanche dernier Shaoyo Liu a été abattu à sa porte, venant rallonger encore la liste des personnes tuées par la police. On pense justement aux quartiers qui subissent les provocations, insultes et menaces des flics, et les humiliations lors des contrôles d’identité à répétition. On pense à l’État d’urgence et aux assignations à résidence qui tombent à tours de bras.
Par ailleurs, il apparaît de plus en plus que toute tentative de contestation du pouvoir dans les cadres qu’il a lui même fixés et autorisés est illusoire. D’une part, dans un état d’urgence permanent, ces cadres se restreignent constamment, d’autre part, soyons réalistes, les déambulations citoyennes et autres pétitions de tous poils n’ont jamais fait vaciller le pouvoir, ni même vraiment sourciller.

… Brisons l’ordre du quotidien

Tout cela a assez duré. Las de subir ce cirque auquel il est difficile d’échapper, nous avons décidé de participer nous aussi aux festivités électorales… en étant ingouvernables. Notre Carnaval s’inscrit dans une dynamique nationale de contestation des élections. Banquets, bals et carnavals ingouvernables ont cours dans plusieurs villes : Rennes, Lyon, Marseille, Paris, Bordeaux… Mais si nous faisons la fête, ce n’est pas pour se défouler aujourd’hui et rentrer dans le rang tous les autres jours de l’année. Nous sortons des cadres établis pour Carnaval, comme nous voulons sortir de ces mêmes cadres pour nous organiser. Cela ne veut pas dire qu’on part de rien. Des solidarités de quartier, à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, en passant par les communes du Chiapas et le Rojava, d’autres façons de faire existent et sont riches d’enseignement : s’organiser en partant des endroits qu’on habite, réfléchir à la manière dont on prend des décisions collectives, aiguiser nos critiques à travers des discussions où les désaccords peuvent s’exprimer, se réapproprier des outils et en inventer d’autres. Des zones hors droits aux comportements ingouvernables du quotidien, nous construisons une force politique autonome qui n’attend pas le grand soir mais qui compte bien détruire le pouvoir.

En avant toute !

Pour continuer la contre campagne :
assemblée de lutte le 13 avril 18h30 à la bourse
du travail (lille – fives).