Appel à prendre la rue le soir du 23 avril

Ça y’est ! Nous nous approchons dangereusement de la première date fatidique que tous les commentateurs, candidats, partis, politiciens et consorts attendent avec impatience : le premier tour des élections présidentielles. Pour la démocratie et son système de représentation, le 23 avril constituera un enjeu de taille. Un enjeu pour toutes celles et ceux qui croient encore que le changement se fera dans les urnes. Pour tous ceux qui voteront pour la première fois pour un candidat d’une nouvelle couleur politique, ceux qui iront un peu plus à gauche, ou un peu plus à droite. Ceux qui tenteront le grand écart. Ceux qui pensent qu’il s’agira là d’un nouveau défi, d’une nouvelle aventure. Ou même, ceux qui voteront pour le candidat qu’ils pensent voir remporter l’élection, en croyant qu’en élisant le gagnant, eux aussi gagneront peut-être quelque chose. Avec des intentions qui vont de la plus cynique à la plus noble, des milliers de « citoyens » vont se retrouver devant les urnes le week end prochain. Pour une bonne partie d’entre eux, le vote fait figure de solution de la dernière chance, alors que pour d’autres, il est vu comme un jeu où le vote et la vie réelle n’ont aucune chance d’entrer en contact.

Bien entendu, nous ne disons pas que les résultats du scrutin n’auront aucune influence sur la suite des événements. Qu’il s’agisse du climat plus ou moins morbide qui s’ensuivra, ou de la conduite du pouvoir, pas mal de choses concrètes s’en ressentiront. On a conscience notamment que les luttes à venir auront plus ou moins d’obstacles policiers et judiciaires à affronter en fonction du grand vainqueur. Pour autant, on ne se leurre pas : même un candidat ayant les meilleures intentions, la plus grande honnêteté, la plus limpide des transparences ne pourra jamais nous satisfaire. Et pour cause, être président, c’est d’abord gouverner, diriger un état. Autrement dit, prendre des décisions techniques pour que le pays puisse naviguer au mieux dans les eaux du capitalisme. À cela, aucun modèle ni aucune solution institutionnelle ne pourront être trouvés. La gauche, dans toutes ses tentatives, ne fait qu’entretenir des illusions que seuls les plus naïfs peuvent encore avaler. Les souvenirs du mouvement contre la « loi travail », passée à grands renforts de 49-3 alors que les manifestations se faisaient brutalement réprimer par la police et enterrer par la justice sont encore frais.

Par ailleurs la gauche, en plus de nous faire croire qu’elle peut (ou veut) encore quelque chose contre le capitalisme, n’hésitera pas à nous ressortir le désormais bien connu « vote utile » censé faire « barrage au FN ». Notons qu’elle n’est pas seule dans ce cas, et qu’en matière de barrage, elle avance main dans la main avec les républicains. Là le discours, à force d’être répété et repris à toutes les sauces par des personnalités politiques diverses et variées, commence à nous donner la nausée. Il parait qu’il en va de notre responsabilité si le FN passe, que c’est de notre devoir d’aller voter pour les contrer, que l’important est de faire front ensemble, de s’allier, se rassembler. Peu importe si le PS a profité de ces 5 dernières années pour appliquer une politique qui a dû bien donner le sourire à Le Pen à certains moments. L’important là ne se joue pas au niveau des idées, il suffit seulement de choisir un camp, et gare à ceux ou celles qui voudraient choisir l’équipe bleue marine. Avec les tentatives de dédiabolisation du FN lancées par Marine Le Pen, ça s’agite dans tous les sens pour, plus que jamais, rappeler que l’extrême droite n’est pas une équipe comme une autre.

Bien entendu, on n’a surtout pas envie de voir la gueule triomphante de Marine jubiler sur tous les plateaux télé. Cette seule évocation fait froid dans le dos. Mais en réalité, on ne voudrait en voir aucun. Alors de là à s’allier avec nos ennemis pour construire un soi-disant barrage, faudrait peut-être pas exagérer. De une, si le barrage est déjà criblé de fuites, c’est que le gouvernement cautionne, applique et propose depuis longtemps déjà des politiques fascistes qui ne disent pas leur nom. De deux, tout le monde sait pertinemment que, quand bien même ce pseudo barrage fonctionnerait pour les élections de 2017, tous les politicards se jetteraient les uns sur les autres pour aller noyer le voisin dès le lendemain de leur supposée victoire. Bref, on a aucune envie de participer à ce petit jeu aussi cynique qu’hypocrite. Merci mais non merci.

Pour finir, on aurait envie de dire « les élections, on s’en fout » (« kejné? »); et ce ne serait pas complètement faux puisqu’on n’en attend absolument rien. Seulement, ces élections, on les subit depuis longtemps déjà. Entre le bourdonnement incessant de la radio et les portraits 3 mètres sur 2 qui pullulent aux quatre coins des villes, impossible de faire l’impasse. Alors, plutôt que subir encore cette mascarade tout.e seul.e devant la télé, autant qu’on se retrouve dans la rue. D’abord, parce qu’à plein, ce sera toujours moins déprimant. Ensuite, parce qu’on est bien conscients que si on a des choses à exprimer, ce ne sera pas sur un petit bout de papier mais dehors, où on vit, dans les quartiers, ce sera avec les gens, pas avec les « citoyens ». Prendre la rue, c’est ce qui nous permettra de nous rencontrer, de nous organiser, de confronter nos accords et nos désaccords. C’est là que se joue le politique.

Le 23 avril, RDV à 19H place des halles de Wazemmes.
Fais péter tes chips !

Quelques ingouvernables.

Récit du carnaval du 1 avril

Samedi 1er avril a eu lieu le carnaval des sauvages, le carnaval en colère contre la mascarade présidentielle qui a rassemblé plus de 150 personnes.
Le carnaval s’est mis en branle sur la place des halles de Wazemmes, après l’arrivée de la manifestation contre les expulsions et la fin de la trêve hivernale. Un discours, moquant les discours politiciens, expliquait en quelques minutes les raisons politiques de ce carnaval (cf tract). Le jeu était simple : coller le maximum d’affiches ridiculisant le vote et les élections, dans des endroits visibles et insolites.

Les keufs étaient nombreux et visibles dès le départ, mais le carnaval a quand même démarré sa déambulation après le discours, derrière une superbe banderole « Viser les urnes, ça ne me fait pas peur ». Le cortége était accompagné d’une batoucada, l’ambiance était bien joyeuse et festive avec du rythme, de la couleur, des confettis, des slogans bien déters, des tags qui apparaissaient au fil du parcours et des déguisements et des masques au top ! Tout le monde s’est bien pris au jeu et de nombreuses affiches ont pu être collées pendant le parcours.

Malheureusement, au bout d’une demi-heure de parade, les baceux, qui collaient le cortège derrière, se sont mis à matraquer les gens et ont volé un des caddies avec une sono… La police montée et plusieurs dizaines de crs se sont mis à bloquer de part et d’autre la rue solférino et le devant de la manif. Un des gradés de la police nationale nous a demandé de nous disperser alors même que nous étions pris en nasse. A ce moment là, nous n’avons pas été assez réactifs pour surprendre le dispositif policier et protéger le caddie ainsi que les personnes matraquées. Il faut dire que cette forme de carnaval n’était pas des plus propices pour se protéger.

Si la police, désorganisée elle aussi, a été véhémente c’est que nous avons quand même réussi à créer une ambiance favorable à dépasser notre peur des keufs et à faire abstraction d’eux. Peut-être un peu trop…

Cependant le carnaval a permis de prendre la rue pendant quelques instants, en liant le jeu à l’acte politique, ridiculiser la campagne présidentielle en essayant de diffuser une autre parole qui dépasse l’injonction à aller voter. Malgré les tentatives de dispersion de la part des keufs, le cortége s’est tenu soudé jusqu’au bout en repartant en direction de wazemmes. Le carnaval est retourné joyeusement entre slogans antikeufs et batoukada sur la place, et les gens ont pu retrouver l’isoloir, installé au début de la fête, pour se changer tranquillement à l’abris des regards indiscrets des flics.

Nous pensons que, malgré les humiliations de la police, il faut continuer dans cette voie, à expérimenter d’autres formes d’apparitions politiques – qui puissent en même temps dépasser nos peurs de façon collective, et en même temps pouvoir se défendre contre les attaques de la police – pour porter un discours offensif contre la politique classique.
Assemblée de lutte pour continuer la contre-campagne et préparer le soir du premier tour le 13 avril à 18h30 à la bourse du travail !

A bientôt dans la rue !
Quelques ingouvernables.

Tract distribué pendant le carnaval du 1 avril

Aujourd’hui je fais ce qui me plaît. Devinez qui je suis
Derrière mon loup j’embrase qui je veux. Aujourd’hui tout est permis.

Historiquement, Carnaval fête la fin de l’hiver, la fin de la dormance, la fin d’une saison austère, l’arrivée d’un renouveau. A travers déguisements et masques, il est un temps de transgression de l’ordinaire, de renversement des places et des hiérarchies. Il est une brèche temporelle, durant laquelle se défoulent les êtres comme pour libérer un trop plein d’attente, de résignation. Les sauvages reprennent un temps les rues de leurs villes et villages et laissent cours à leurs inavouables penchants. Les maîtres sont parfois rossés, on interdit le travail pendant quelques jours, on ripaille et on s’enivre sans limites. On danse et chante devant le feu symbolique sensé immoler ce que l’on a le plus détesté de l’année… Aujourd’hui, dans la fête, nous voulons chahuter le pouvoir, où qu’il se trouve. Chambouler la mascarade présidentielle, la ridiculiser même si à vrai dire, elle n’a pas vraiment besoin de nous pour ça. Des pantins qui se disputent la tête d’affiche, s’alpaguent et s’invectivent sur des plateaux télés tel Jacquouille La Fripouille face à Godefroy de Montmiraïl ; des commentateurs de paris, en transe derrière leurs tableaux de sondage : la grande loterie peut commencer.

Regardons la vérité en farce…

Car au-delà des rôles et personnages incarnés par les candidats, tantôt jouant la figure du moralisateur, du pragmatique, de l’idéaliste ou du protecteur, il y a une machine politique : la démocratie. Elle façonne la « vie politique » depuis deux siècles et fut dés son installation un outil du pouvoir pour permettre le développement du capitalisme. La monarchie agace et provoque des révoltes ? Il suffit de permettre au brave « citoyen » de choisir de temps à autre quel bouffon remplacera l’autre, pour donner au « peuple » l’illusion qu’il se gouverne. Mais quel que soit l’Élu qui a remplacé l’autre, la machine a continué de tourner à plein régime. Avec le temps ses rouages se sont affinés : l’ANPE est devenu pôle emploi, la CAF lutte désormais activement contre la fraude au RSA, la sécu creuse son trou pour reculer l’âge de départ à la retraite et les impôts augmentent toujours sauf pour les riches. Toutes ces administrations de rêves sont parfaitement huilées. Pour le reste, la chanson est toujours la même, le travail tue et les flics… sont des bâtards. Tout reste en place, malgré les changements de casting, et travaille activement pour servir l’économie capitaliste. Incritiquable au nom du spectre fasciste et de la dictature, le visage autoritaire de la démocratie se découvre pourtant de façon de plus en plus claire au grès des « événements ».
On pense à la répression du mouvement « loi travail ! » et aux personnes qui sont toujours en taule sans autre raison que d’y avoir pris part. On pense aux keufs qui tuent dans les quartiers en toute impunité, dimanche dernier Shaoyo Liu a été abattu à sa porte, venant rallonger encore la liste des personnes tuées par la police. On pense justement aux quartiers qui subissent les provocations, insultes et menaces des flics, et les humiliations lors des contrôles d’identité à répétition. On pense à l’État d’urgence et aux assignations à résidence qui tombent à tours de bras.
Par ailleurs, il apparaît de plus en plus que toute tentative de contestation du pouvoir dans les cadres qu’il a lui même fixés et autorisés est illusoire. D’une part, dans un état d’urgence permanent, ces cadres se restreignent constamment, d’autre part, soyons réalistes, les déambulations citoyennes et autres pétitions de tous poils n’ont jamais fait vaciller le pouvoir, ni même vraiment sourciller.

… Brisons l’ordre du quotidien

Tout cela a assez duré. Las de subir ce cirque auquel il est difficile d’échapper, nous avons décidé de participer nous aussi aux festivités électorales… en étant ingouvernables. Notre Carnaval s’inscrit dans une dynamique nationale de contestation des élections. Banquets, bals et carnavals ingouvernables ont cours dans plusieurs villes : Rennes, Lyon, Marseille, Paris, Bordeaux… Mais si nous faisons la fête, ce n’est pas pour se défouler aujourd’hui et rentrer dans le rang tous les autres jours de l’année. Nous sortons des cadres établis pour Carnaval, comme nous voulons sortir de ces mêmes cadres pour nous organiser. Cela ne veut pas dire qu’on part de rien. Des solidarités de quartier, à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, en passant par les communes du Chiapas et le Rojava, d’autres façons de faire existent et sont riches d’enseignement : s’organiser en partant des endroits qu’on habite, réfléchir à la manière dont on prend des décisions collectives, aiguiser nos critiques à travers des discussions où les désaccords peuvent s’exprimer, se réapproprier des outils et en inventer d’autres. Des zones hors droits aux comportements ingouvernables du quotidien, nous construisons une force politique autonome qui n’attend pas le grand soir mais qui compte bien détruire le pouvoir.

En avant toute !

Pour continuer la contre campagne :
assemblée de lutte le 13 avril 18h30 à la bourse
du travail (lille – fives).